lundi 17 janvier 2011

Nouveaux codes, bonne direction?









Pour être sincère il me semble qu'apposer des mots sur ces clichés ne rendrait pas justice et même dénaturerait leur beauté, qui est déjà éloquente et inspirante à elle toute seule. Si vous souhaitez néanmoins lire une analyse qui m'apparaît comme parfaite, je vous redirigerai sur ce blog en anglais dédié à Freja Beha. Ces photographies sont  en effet un véritable hymne à l’androgénie dans son sens le plus pur, le plus primitif, avant que celui-ci ne se voit déformé par certains mouvements culturels ayant sévi ces dernières années. L'androgénie correspond en vérité à la totale confusion des genres et à l'absence d'appartenance sexuelle - femme ou homme - évidente au premier coup d'oeil. Il s'agit d'une caractéristique généralement naturelle qui réside dans la morphologie et la physionomie d'une personne et non pas dans les atours desquels elle peut se parer - vêtements et accessoires masculinisés pour les femmes, le contraire pour les hommes. Or, de nos jours, androgénie, dans la photographie de mode féminine, a tendance à être confondue avec style punk, défini vulgairement par l'abondance excessive de clous, de cuir et de maquillage extravagant.

A travers cet éditorial, la volonté de rendre la distinction entre mannequins hommes et femmes est palpable, et menée à bien de la manière la plus artistique et esthétiquement plaisante possible. La manière dont les corps sont enchevêtrés les uns dans les autres, fait dans mon esprit référence de manière implicite au fameux Mythe de l'Androgyne de Platon, selon lequel - grossièrement - les hommes et les femmes ne faisaient qu'un avant de se rendre coupable d'ubris ou excès auprès des Dieux, et d'être donc punis par ceux-ci, en se voyant séparés à jamais en deux genres distincts. Depuis, toujours selon Platon, hommes et femmes chercheraient de manière infatigable leur moitié perdue - d'où l'existence de l'amour. Ici, la volonté d'union semble traduite par la façon dont les bras, visages, mains et jambes s'entremêlent, tandis que l'androgénie est immanente au physique même des mannequins choisis. Là encore il ne s'agit que d'une interprétation personnelle, mais c'est ce qui rend ces images d'autant plus magiques ; malgré leur apparence pure et simple, dénuée de tous ornements, elles offrent assez de matière pour laisser son imagination à soi divaguer et créer des connections entres la photographie présente et son propre patrimoine culturelle. Cette série personnifie et remplit la fonction première que j'attribue à l'art : sa capacité à être stimulant, que ce soit intellectuellement ou émotionnellement.

D'un point de vue du styling, je trouve la manière utilisée pour présenter ces peaux d'animaux, et surtout la fourrure, extrêmement subtile et presque trompeuse. Je suis loin de cautionner le meurtre d'êtres vivants afin de satisfaire les caprices déraisonnés de fashionistas ayant besoin de se raccrocher à l'extravagance vestimentaire afin de marquer leur médiocrité intellectuelle, mais je peux néanmoins ne pas m'en offusquer, visuellement parlant, lorsqu'elle est exposée de manière aussi humble et crue. La fourrure est souvent portée de manière pompeuse, arrogante et quelque peu criarde, mais ici non seulement Meisel re-confère à l'androgénie son sens premier, mais il détruit également les codes vestimentaires liés au port de la peau d'animal. D'autre part, une sorte de retour au sources s'effectue ici :  tandis que l'homme se fait ennemi de l'animal à partir du moment où il encourage et participe au succès de la fourrure, humains et matière animale se combinent et s'harmonisent afin de créer une unicité originelle et sauvage tout au long de l'éditorial.

Plus rationnellement parlant, ces photographies ont fait naître en moi des interrogations concernant l'évolution de la définition de la beauté que le milieu de la mode façonne sans cesse et nous propose ensuite comme modèle vers lequel tendre. Tandis que, jusqu'à ces dernières cinq années, être belle allait de pair avec physique caucasien et silhouette grande et svelte, nous pouvons assister à un véritable changement de la donne : la véritable androgénie est incroyablement en vogue, silhouettes plus-size fleurissent, mannequins albinos et transsexuels imposent leur légitimité esthétique... et petit à petit, une certaine diversité raciale se laisse entrevoir. Néanmoins, je suis légèrement déroutée par la facilité avec laquelle l'industrie de la mode embrasse divers types de beauté communément qualifiés comme anti-glamour comme ceux que j'ai évoqué en premier, tout en émettant une réserve encore tangible de nos jours vis à vis des faciès non-caucasiens : asiatiques, africains, ou sud-américains donc. 

Je trouve que souvent, lorsque des défilés ou des magazines montrent des mannequins noir(e)s (principalement), cela apparaît comme forcé, comme si directeurs de casting ou rédacteurs en chef les avaient choisi(e)s juste pour respecter un quota sans en avoir émis le désir profond et sans pour autant avoir reconnu la valeur esthétique et le talent des mannequins coloré(e)s en question. Regardez seulement le documentaire les Filles en Vogue réalisé par Vogue Paris : Sessilee Lopez y prenait part, elle qui n'est apparu qu'une seule fois dans les pages de cette publication au sein de toute sa carrière. Comment voulez-vous les prendre au sérieux lorsqu'ils affirment au début de la vidéo que les cinq mannequins y étant présentées sont les covergirls attitrées de Carine Roitfeld? Il est évident qu'il ne s'agissait ici que d'une manœuvre politiquement correcte. Enfin, non pas que j'encourage photographes et créateurs à laisser de côté le processus d'ouverture d'esprit vis à vis d'une beauté plus atypique et rare qu'ils ont amorcé ; mais heureusement un jour ils parviendront également, à la manière de Riccardo Tisci par exemple, à se tourner vers une plus grande diversité raciale de manière naturelle et voulue, parce qu'ils auront vu la beauté existant sur le visage d'une femme noire ou asiatique.

source : vogue.it via tentalicious @ tFS

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